De l’esclavage aux black Barbies : un siècle et demi de poupées noires

Introduction

La belle exposition de la collection de poupées africaines-américaines de Deborah Neff, qui s’est tenue du 23 février au 20 mai 2018 à la Maison Rouge à Paris, est l’occasion de revenir sur l’histoire tourmentée de la représentation des poupées noires, de l’imagerie raciste des golliwogs aux poupées actuelles à revendication éducative d’Ikuzi dolls, en passant par les topsy-turvy des esclaves aux États-Unis et les poupées exotiques de fabrication allemande ou française au tournant du XXe siècle.

Poupée noire et poupée blanche

Dans une expérience des années 1940 restée célèbre, les sociologues américains Kenneth et Mamie Clark interrogent des enfants noirs à propos de deux poupées, une noire et une blanche (photos).

63 % d’entre eux disent qu’ils préfèrent jouer avec la blanche, 56 % la déclarent plus gentille, et 44 % affirment que la poupée blanche leur ressemble le plus !
“Ce résultat est capital en ce qu’il change radicalement la manière dont nous envisageons les relations inter-raciales” estime le professeur William Julius Wilson, de l’université de Harvard. “Voilà des enfants qui pensent qu’être blanc vaut mieux que d’être noir, et ceci est assez accablant”.
Soixante ans plus tard, l’émission de télévision GMA (Good Morning America) réitère l’expérience, avec des résultats très différents : 88 % des enfants s’identifient à la poupée noire, avec laquelle 42 % déclarent vouloir jouer, contre 32 % avec la poupée blanche, le même pourcentage choisissant la poupée blanche comme étant la plus gentille. Même si certaines déclarations des enfants à propos de la poupée noire restent dérangeantes, comme celle d’Alexis, 7 ans, “elle répond et désobéit”, ou encore celle de Nayomi, 7 ans, “elle est moche parce qu’elle a les pieds comme un singe”, la plupart des réponses conduisent à espérer.

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Caricatures racistes

Mais le paysage était beaucoup plus sombre il y a un siècle et demi, époque à laquelle l’image de la servitude noire était profondément ancrée dans tous les esprits. En 1859, Martin H. Freeman écrivait dans “The anglo-african magazine” : “On apprend directement ou indirectement aux enfants s’ils sont beaux par comparaison aux traits physiques de la norme anglo-saxonne. Il faut donc rétrécir les nez épatés et défriser les cheveux crépus… Parfois, les cheveux naturels sont rasés et remplacés par une perruque à cheveux raides. Les lèvres épaisses sont redessinées et réduites. Par l’application de rouge et de poudre blanche, de beaux visages noirs ou bruns prennent un teint artificiel, comme celui d’un cadavre que l’on aurait peint.” Les poupées noires fabriquées par les blancs ne font que reprendre les caricatures racistes et sexistes nombreuses associées à la servitude noire : pickaninnies, minstrels, golliwogs et personnages de Mammy et Aunt Jemima.
Pickaninny est, aux États-Unis, une injure raciale faisant référence à un enfant noir d’origine africaine dont la particularité est qu’il est résistant à la douleur (photo de gauche). Dans les états du Sud, le terme désigne un enfant d’esclaves ou, plus tard, de citoyens africains-américains. Tandis qu’il est popularisé par le personnage de Topsy dans le roman de 1852 “La case de l’oncle Tom” de Harriet Beecher Stowe, le terme est utilisé dès 1831 dans le récit abolitionniste “L’histoire de Mary Prince, esclave aux Antilles, racontée par elle-même” publié à Édimbourg,  Écosse. Il restera en usage aux États-Unis jusque dans les années 1960.
Le minstrel show, ou minstrelsy (de l’anglais « minstrel », ménestrel), est un spectacle américain créé vers la fin des années 1820, où figurent chants, danses, musique, intermèdes comiques, interprétés d’abord par des acteurs blancs qui se noircissent le visage (“blackface”), puis, surtout après la Guerre de Sécession, par des noirs (photo de droite). Ils apparaissent dans ces spectacles comme ignorants, stupides, superstitieux, joyeux, et doués pour la danse et la musique. Les acteurs professionnels délaissent le genre vers 1910, mais des amateurs le font durer jusque dans les années 1950. La montée de la lutte contre le racisme les font disparaître définitivement.

Désigné d’après Golliwogg, le nom propre d’une poupée apparue en 1895 dans le livre pour enfants “The adventures of two dutch dolls” (Les aventures de deux poupées hollandaises) de Bertha et Florence Kate Upton, le golliwog est une poupée de chiffon ou en tissu représentant une personne noire aux cheveux crépus, généralement de sexe masculin (photos).

 

Inspiré des personnages des minstrel shows, il est par la suite commercialisé sous forme de poupées et de produits dérivés, utilisé à des fins publicitaires et repris par des auteurs de livres pour enfants dont Enid Blyton. Le nom du personnage serait en outre à l’origine du mot wog, terme péjoratif utilisé pour désigner entre autres les noirs. Dans la seconde moitié du XXe siècle, les golliwogs commencent à faire l’objet d’une controverse en raison du stéréotype raciste qu’ils véhiculent. Depuis les années 1960, le changement d’attitude social et politique envers la question raciale réduit leur popularité.
Une Mammy, ou Mammie, est un stéréotype du Sud des États-Unis représentant une femme noire âgée et grosse,  gouvernante ou nounou des enfants d’une famille généralement blanche (photo de gauche). C’est une figure idéalisée de la mère noire de substitution : aimable, loyale, maternelle, asexuée, illettrée, douce, docile et soumise. Dévouée uniquement à sa famille blanche, elle néglige sa propre famille et n’a pas d’amis noirs. Un des premiers personnages de fiction de Mammy est tante Chloé dans “La case de l’oncle Tom”, publié en 1852. Le contexte du personnage de Mammy est en effet l’esclavage aux États-Unis : les esclaves africaines-américaines avaient le statut de travailleuse domestique dans les foyers américains blancs. Cependant, bien qu’il soit né avec l’esclavage, le personnage de Mammy atteint son apogée durant la période ultérieure de la reconstruction, joue pour les états du Sud un rôle dans les efforts révisionnistes de réinterprétation et de légitimation de l’héritage esclavagiste et de l’oppression raciale, et perdure au XXe siècle. Son historicité est discutée : les archives font état de servantes adolescentes ou jeunes adultes avec une espérance de vie de 34 ans. Ceci n’empêche pas l’image romancée de la Mammy de subsister dans l’imaginaire populaire de l’Amérique moderne, à l’origine de personnages de fiction bonnes soignantes et éducatrices, altruistes, fortes et soutenantes, seconds rôles de protagonistes blancs.
Enfin, Aunt Jemima (Tante Jemima) est une marque commerciale de farine à crêpe, de sirop et autres produits pour le petit déjeuner actuellement possédée par la Quaker Oats Company, existant depuis 1893 (photo de droite). Inspiré par la chanson de vaudeville et minstrel show de Billy Kersands “Old Aunt Jemima” écrite en 1875, le personnage désigne une femme noire amicale, obséquieuse, soumise, agissant en protectrice des intérêts des blancs. Des artistes africains-américains et des femmes telles que Betye Saar se sont intéressées au stéréotype de Aunt Jemima, pour déconstruire ce personnage, allégorie selon elles de la soumission de la bonne domestique noire à ses maîtres blancs.

Au début du XXe siècle, des voix s’élèvent contre ces caricatures, pour promouvoir par le biais des poupées la fierté et l’amour de la condition de noir. Madame Mack écrit dans une lettre au “Half-century magazine” : “Les blancs ne remplissent pas leurs maisons de photos de gens de couleur… Ils recouvrent leurs murs de photos de gens de leur race. Quand parfois apparaît une personne de couleur, elle tient généralement un rôle ridicule ou effectue des tâches subalternes… Actuellement, sur toutes les photos que j’ai au mur figurent des gens de couleur, et je n’autorise pas chez moi de photo ridicule d’une personne de couleur… J’ai acheté de jolies poupées noires à mes enfants pour qu’ils apprennent à aimer et à respecter les héros et les beautés de leur couleur”. Marcus Garvey, fondateur de l’UNIA (Universal Negro Improvement Association and African Communities League), association universelle pour l’amélioration de la condition noire, déclare dans les années 1920 : “Mères, donnez à vos enfants des poupées qui leur ressemblent pour qu’ils jouent avec et les cajolent, pour qu’ils apprennent en grandissant à aimer leurs propres enfants et à s’en occuper…”.

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La poupée objet de fierté

Ces poupées, elles existent. Loin de la vision dévalorisante des minstrels et des golliwogs, les “black dolls” conçues dans leur immense majorité entre 1840 et 1940 par des africaines-américaines pour leurs enfants ou pour ceux qu’elles gardaient sont des objets politiques et artistiques : ils portent en eux l’histoire de la mise en esclavage d’une partie du continent africain et révèlent l’amour pour l’enfant noir qui va accueillir la poupée ; ils traduisent une esthétique propre enracinée dans les traditions africaines-américaines et parfois africaines. Deux cents d’entre elles ont été rassemblées dans la collection Deborah Neff, et exposées du 23 février au 20 mai 2018 à la Maison Rouge à Paris (photos).

L’exposition était accompagnée de photographies, provenant pour la plupart d’albums de famille. Certaines d’entre elles, troublantes car la poupée est une représentation de l’adulte que l’enfant va devenir, montrent un enfant blanc tenant une poupée noire (photo de gauche) et un groupe d’enfants noirs avec des poupées blanches (photo de droite).

Selon Deborah Neff, la première peut s’expliquer par le fait que les nourrices noires, ayant élevé des enfants de familles blanches et riches pendant des générations, leur confectionnent des poupées noires. La deuxième est d’autant plus surprenante qu’elle est rare : dans l’iconographie dominante, les enfants noirs sont généralement présentés comme des bizarreries ; de plus, une thèse répandue veut que les enfants noirs n’étaient pas autorisés à jouer avec les poupées blanches dans les plantations. On peut imaginer que les poupées blanches aient été prêtées aux enfants des nounous par les enfants blancs de la famille dont elles s’occupaient, ou qu’elles leur aient été confiées pour les préparer à leur futur rôle de nourrice d’enfant blanc.

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La poupée “topsy-turvy”

Dans le prolongement de ces questions, on peut s’interroger sur le statut des “topsy-turvy” (sens dessus dessous ou réversible), ou “twinning” (jumelée), ces poupées à deux corps en tissu ou en bois (photos) fabriquées par des femmes esclaves pour les enfants blancs dont elles avaient la charge.

Toujours selon Deborah Neff, il existe deux thèses contradictoires sur l’origine de ces poupées réversibles : comme il était interdit aux enfants noirs de jouer avec des poupées blanches, si quelqu’un venait ils retournaient la poupée et la tête blanche était recouverte par la jupe ; au contraire, il était  interdit aux enfants noirs de jouer avec des poupées noires, et ils retournaient la poupée dans l’autre sens. Une troisième thèse affirme que ces poupées étaient destinées à préparer les jeunes filles noires à leur futur double rôle de mère d’enfants noirs et de nourrice d’enfants blancs. Une quatrième thèse qu’elles étaient faites pour des enfants blancs, représentant la mère d’un côté et la nourrice de l’autre. Une cinquième thèse prétend qu’elles descendent des poupées allemandes “hex” de Pennsylvanie, qui n’étaient pas associées aux enfants ou au jeu, servaient à jeter des sorts ou guérir des verrues, et possédaient une tête humaine et une tête de cochon (photo)…

Selon Patricia Williams, professeure de droit à la Columbia University, ces poupées expriment une longue histoire de viols et de métissage : “Les topsy-turvy peuvent être interprétées comme une riposte muette au lexique juridique qui distinguait les femmes blanches en êtres humains et les femmes noires en biens matériels, lexique qui accordait la citoyenneté à la progéniture née de l’union des hommes blancs avec des femmes blanches mais considérait comme un bien jetable et vendable le “produit” du coït entre des hommes blancs et des femmes noires.”

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Poupées exotiques de fabrication européenne

De l’autre côté de l’Atlantique, c’est la colonisation qui favorisa l’émergence, par le contact conflictuel avec d’autres cultures, de poupées de type africain, asiatique ou métis. L’Angleterre en particulier, pays à vocation maritime, et la France, qui possédait le plus grand territoire colonial en Afrique, furent en contact étroit avec les gens de couleur du Monde entier. Le dernier quart du XIXe siècle, par la conjonction du fait colonial et de l’établissement d’une industrie de fabrication de poupées en France et en Allemagne, vit l’apparition des premiers modèles de poupées exotiques. Au début, il s’agissait de poupées européennes dont on peignait le visage et le corps d’une certaine couleur. Elles furent ensuite spécialement moulées. Afin de satisfaire les demandes coloniales et occidentales, y compris aux  États-Unis où il existait une forte population noire issue de l’esclavage, le phénomène s’amplifia au cours des décennies suivantes, et l’on vit surgir de très nombreuses poupées de toutes couleurs et de tous pays, de la petite chinoise aux yeux bridés au bébé africain d’un noir d’ébène, en passant par la petite indienne à la peau cuivrée.

Poupées et bébés noirs fabriqués en Allemagne

Les principales firmes allemandes produisirent des poupées exotiques, dont de nombreux modèles de poupées noires. Simon & Halbig (photos de gauche et du centre) créèrent une série intitulée “poupées de quatre races”, qui comportait de beaux modèles devenus célèbres. Kestner teinta en marron une de ses poupées de caractère à succès, Hilda (photo de droite). Dans le dernier catalogue de cette maison qui ferma en 1932 ne figuraient plus que quatre poupées noires. Citons encore les firmes Heubach Köppelsdorf, Schœnau & Hoffmeister et sa célèbre Hanna, Motschmann, A. Schmidt, Kœnig & Wernicke, Nippes, et Schildkröt.

Avec l’arrivée des poupées de caractère vers 1910, les bébés connurent un véritable engouement. Armand Marseille plongea ses bébés dans un bain de teinture noire (Dream baby, photo de gauche). Kämmer & Reinhardt fit de même avec son “Kaiser baby” (photo de droite).

Pour son Black Sambo (photo de gauche), Heubach Köppelsdorf fabriqua un moule spécial. Ce bébé avait les lobes percés et portait des boucles d’oreille. La même forme a été donnée à une poupée noire dont les cheveux étaient tressés. Ce même fabricant produisit un bébé noir rieur à dents moulées, boucles d’oreilles et anneau au nez (photo de droite).

Les deux bébés de Heubach Köppelsdorf et le Dream baby étaient vendus soit sous forme teintée au moyen d’une couleur mélangée à de la pâte de porcelaine, soit peints après cuisson, technique moins onéreuse qui donnait une teinte plus foncée et une surface plus lisse. August Reich, ainsi que Recknagel, fabriquèrent une variante du Dream baby. Kestner produisit une version noire de son Bye-lo-baby.

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Poupées et bébés noirs fabriqués en France

En France, la plupart des poupées et bébés noirs utilisaient les mêmes moulages de fabrication que ceux des bébés blancs, qui étaient ensuite teints en marron, les lèvres étant épaissies au pinceau. Les poupées noires, plus faciles à maquiller et à coiffer, revenaient moins cher, leur prix actuel plus élevé s’expliquant par leur rareté. Apparemment, la SFBJ a produit en marron plusieurs de ses bébés caractère, qui ont été dispersés et sont devenus très recherchés (photos).

Les firmes fabriquèrent aussi des poupées à l’image des habitants des colonies d’outre-mer, à l’instar de Denamur qui produisit des petites poupées censées représenter des antillaises (photos).

Les français ne fabriquaient cependant pas que des poupées noires aux traits européens, ils produisaient parfois des poupées exotiques spécialement moulées. Parmi les autres fabricants français de poupées noires, citons les deux célèbres compagnies Jumeau (photo de gauche) et Léon Casimir Bru (photo du centre), ainsi que Danel & Cie (photo de droite).

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Les poupées noires après 1945 : le virage post-colonial

Après la seconde guerre mondiale et la vague de décolonisations qui s’ensuivit, l’attitude des occidentaux envers les ex-colonisés évolua : en leur reconnaissant une aspiration à l’égalité, ainsi qu’un droit à disposer de leur destin par l’accession à l’indépendance, il leur fallait peu à peu renoncer à certaines caricatures discriminantes. Les poupées n’échappèrent pas à ce mouvement, et l’on vit apparaître sur le marché des modèles ayant perdu leur caractère exotique perçu comme péjoratif au profit de représentations plus naturelles et plus conformes à l’anatomie des populations concernées. Deux grandes entreprises de fabrication de poupées, Käthe Kruse en Allemagne (voir Les artistes en poupées pionniers) et Petitcollin en France illustrent ce phénomène. Ci-dessous, photo de gauche : Nola la petite africaine de Käthe Kruse ; photo de droite : Minouche Mona et son baigneur de Petitcollin, créée en collaboration avec l’artiste autrichienne Sylvia Natterer.

Une autre grande entreprise de poupées européenne, la société britannique Pedigree, fabrique des poupées et bébés noirs “anatomiquement corrects” dès les années 1950 (photos).

L’influence des droits civiques aux États-Unis

Aux États-Unis, c’est le mouvement des droits civiques (1954-1968), visant à établir une réelle égalité de droits pour les noirs américains en abolissant la législation instaurant la ségrégation raciale, qui favorise l’apparition de poupées noires non caricaturales. Quatre entreprises sont bien établies sur ce marché. La grande compagnie Effanbee, dont la devise est “les poupées qui touchent votre cœur”, et qui inclut dans sa gamme des poupées noires depuis les années 1910, prend le virage “anatomiquement correct” dans les années 1960 (photo de gauche). Shindana Toys, fondée en 1968 par Robert Hall, membre du congrès pour l’égalité raciale, est une des premières entreprises centrées sur la production de poupées anatomiquement correctes, dont les noms sont par ailleurs africains (Zuri, photo du centre). Terri Lee Dolls, qui introduit dans son catalogue des poupées noires en plastique dès l’année de sa fondation en 1947, produit des poupées anatomiquement correctes avant sa fermeture en 1962 (photo de droite).

Madame Alexander, compagnie historique fondée par Beatrice Alexander en 1923 à New York, produit des bébés, des poupées, des mannequins et des éditions limitées. Elle introduit des poupées noires dans ses collections dès 1970 (photos).

À peu près à la même époque que Shindana, une entrepreneure et éducatrice africaine-américaine du nom de Beatrice Wright Brewington fonde la B. Wright Toy Company à New York, qui produit une autre gamme de poupées anatomiquement correctes de diverses régions du Monde appelée “Ethnic people dolls” (photo de gauche). Dans leur sillon, des entreprises telles que Remco fabriquent des gammes de poupées noires, comme sa série “Brown eye” (photo de droite), à la fin des années 1960 et au début des années 1970.

Shindana et B. Wright vendent leurs moules à Totsy Toys et se retirent du marché au milieu des années 1980, mais d’autres entreprises comme Keisha Dolls et Golden Ribbon reprennent le flambeau.

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Barbie et les poupées américaines à vocation humaniste

Les émeutes raciales du quartier de Watts à Los Angeles en 1965 ont donné à Mattel, la société créatrice de la mythique Barbie, l’occasion de franchir une nouvelle étape dans la prise en compte des problématiques de la population africaine-américaine par les fabricants de poupées. Ces émeutes ont causé la mort de 34 personnes, des incendies et la destruction de 40 millions de dollars de biens matériels, dont certains tout proches du siège de Mattel. Dans le but de tendre la main à la communauté, la société contribue au projet “Operation bootstrap Inc.” de création de plusieurs entreprises gérées par des noirs, dont Shindana Toys (voir plus haut). Au-delà de la réalisation de poupées anatomiquement correctes ayant des prénoms africains, Shindana a pour but clairement affiché la promotion de la fierté africaine-américaine. C’est le moment que choisit Mattel pour sortir sa première poupée noire, Francie, en 1967, puis Christie (photo de gauche), en 1968, faite d’après un moule modifié de Midge, l’amie de Barbie. Ce n’est toutefois qu’en 1980 que Mattel ose produire la première version noire de Barbie (photo de droite).

Le ton est désormais donné : la mission des poupées noires, selon Mattel et les autres fabricants de poupées, est humaniste et éducative. La communauté noire doit être confortée dans la fierté de ses origines africaines, les enfants doivent se reconnaître et se construire avec des poupées qui leur ressemblent. Une autre femme noire entrepreneure, journaliste et éducatrice, Yla Eason, informée par son fils de trois ans qu’il ne pouvait pas être un super-héros comme He-Man, fonde Olmec Toys à New York en 1985. Olmec, la plus grande entreprise de jouets gérée par une minorité aux États-Unis, produit des bébés, des figurines d’action comme Sun-Man (photo de gauche) et Butterfly Woman, ainsi que des poupées mannequins comme Naomi et Imani (photo de droite), avant d’arrêter la production à la fin des années 1990.

Mais Olmec a inspiré Tyco, qui sort ses propres poupées mannequins noires comme Kenya (photo de gauche), et PendaKids, coentreprise de la division Mahogany de Hallmark et de Cultural Toys. Dans les années 1980 et 1990, les compagies Robert Tonner, Cabbage Patch Kids (photo du centre), Magic Attic et American Girl (photo de droite) introduisent des poupées noires dans leur gamme.

Cependant, des années 1990 aux années 2000, l’offre en poupées noires est relativement limitée par rapport à la demande américaine. Des efforts sont faits pour combler cette lacune : les “Big beautiful dolls” (photo de gauche), premières poupées mannequins rondes, créées par Georgette Taylor et Audrey Bell en 1999 ; les Barbie africaines-américaines de la série Collector créées par l’artiste Byron Lars de 1997 à 2010 (photo du centre) ; la gamme SIS (So In Style) de  Stacey McBride-Irby pour Mattel, lancée en 2009 (photo de droite).

Stacey McBride-Irby continue avec les poupées mannequins et jouets multiculturels du “One World Doll Project”. Salome Yilma fonde “Ethidolls”, entreprise de poupées faites à l’image de leaders africaines historiques, accompagnées de livres de récits.

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Le renouveau des années 2010 aux États-Unis

À partir de la fin des années 2000, l’offre en poupées noires commence enfin à s’étoffer, avec un discours qui prolonge celui de Mattel : les poupées ne sont pas qu’une affaire de plaisir, elles jouent un rôle important dans le développement de l’enfant, apprennent la compassion et la vie en société, aident à former l’image de soi et à comprendre, accepter, respecter et apprécier les autres cultures. Lorsqu’Angela Sweeting  remarque que sa fille veut avoir des cheveux blonds et une peau plus claire pour ressembler à sa poupée, elle décide de créer “Angelica doll”, une poupée en vinyl de 46 cm aux traits africains-américains et à la chevelure naturelle luxuriante (photo de gauche). Niya Dorsett créé les poupées “Brains and beauty” pour remplir une mission originale : aider les petites filles à améliorer leur estime de soi. Les cheveux sont naturels, et la poupée parlante connaît 20 phrases encourageantes destinées à aider la petite fille à croire en elle et à atteindre ses objectifs (Malia, photo du centre).
Ozi Okaro, fondatrice d’Ikuzi Dolls en 2014, est styliste de mode et auteure et illustratrice de livres pour enfants. Elle s’inspire de ses propres enfants pour créer “de belles poupées noires qui leur ressemblent” avec différentes teintes de peau, couleurs et textures de cheveux (photo de droite).

Les “Prettie Girls! Dolls” ont été créées par Stacey McBride-Irby, ex-chef de projet chez Mattel, créatrice d’une gamme de poupées Barbie africaines-américaines et d’une poupée commémorative pour le centenaire de la sororité alpha kappa alpha. Prettie est un sigle pour “Positive Respectful Enthusiastic Talented Truthful Inspiring Excellent”. Ces poupées à récit sont des étudiantes écologistes de haut niveau, qui forment une bande d’amies (photo de gauche).
Jennifer Blaine fut choquée de constater que même en Afrique, les poupées à peau noire étaient difficiles à trouver. Cette entrepreneure de Johannesbourg décide donc de lancer une gamme de poupées noires avec de belles tresses et des tenues colorées d’inspiration africaine, sous le nom de Toyi Toyi Toys Dolls (photo de droite).

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Poupées d’artistes contemporains
En Europe

Dans la continuité du mouvement amorcé par les grandes compagnies, de nombreuses artistes européennes se lancent dans la création de poupées noires, dont les célèbres pionnières allemandes Hildegard Günzel (Jamina, photo de gauche) et Rotraut Schrott (Ricardo, photo du centre), et la pionnière suisse Sasha Morgenthaler (Cora, photo de droite).

En France, Odile Ségui (fillette africaine-américaine, photo de gauche), Chris Noël (Célestine, photo du centre) et Françoise Filaci (Vanille, photo de droite) proposent des poupées noires très réalistes.

Parmi les artistes allemandes contemporaines ayant produit des poupées noires réalistes, on peut citer, outre les pionnières mentionnées plus haut, Annette Himstedt (Pemba, photo de gauche), Brigitte Deval (photo du centre) et Marlies Theillout (photo de droite).

Aux Pays-Bas, c’est incontestablement le couple mère et fille Bets et Amy van Boxel qu’il convient de citer, tant leur production de poupées du Monde est abondante et remarquable. Avec fidélité et délicatesse, elles saisissent comme en instantané le regard grave de ces enfants soigneusement habillés et accessoirisés, dont on devine les difficultés matérielles assumées avec dignité. Ci-dessous, trois poupées représentatives de leur travail.

Outre sa collaboration avec divers fabricants, l’artiste autrichienne Sylvia Natterer (voir plus haut) produit des poupées OOAK (photo de gauche). Angela Sutter, artiste suisse dont une des sources d’inspiration est, selon ses dires, “les expressions et les destins des enfants des pays du tiers-monde”, a créé la petite Angela (photo de droite).

En Angleterre, l’artiste Lynne Roche créé la jolie métisse africaine-américaine Poppy, en porcelaine et bois (photo de gauche), tandis que Jane Davies réalise une petite poupée noire en tissu (photo de droite).

Enfin, pour clore ce tour d’horizon européen bien loin d’être exhaustif, mentionnons les artistes italiennes Beatrice Perini, avec le ravissant couple d’enfants Miele et Dolce (photo de gauche), tiré de la collection “Mother’s darling” de 1999, et Linda Macario, avec la petite métisse Smuzhka (photo du centre), et Uta Brauser, native de Munich installée à Florence et fascinée par les jeunes noirs américains (photo de droite).

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Aux États-Unis

Aux États-Unis, la présence d’une forte population noire conduit tout naturellement les artistes en poupées contemporains à en réaliser des représentations non caricaturales. Le célèbre et prolifique créateur Robert Tonner produit un grand nombre de poupées noires glamour et sensuelles en collaboration avec la société Wilde Imagination (photo de gauche, “Angelique loves lingerie”). Berdine Creedy, sud-africaine installée aux États-Unis, ayant travaillé avec trois matériaux différents (porcelaine, vinyl, résine) et auteure de la série “Around the world” en 2011, créé plusieurs poupées noires dont le couple Kandas et Nandie (photo du centre). Floyd Bell, sculpteur autodidacte de poupées en bois, se focalise sur la création de personnages noirs historiques ou ordinaires tirés de photographies ou de son imagination (“Sojourner truth”, photo de droite), afin de “refléter la dignité et la détermination d’un peuple qui a souffert”.

Ronna Morse, artiste de Virginie qui s’est spécialisée dans les poupées miniature, a créé cette poupée OOAK en argile polymère (photo de gauche). Les poupées étonnamment réalistes de Lynn Cartwright, artiste californienne auteure d’un ouvrage sur son travail, célèbrent différentes cultures du Monde, des indiens d’Amérique aux africains (photo de droite), en passant par les japonais.

Artiste des Bahamas installée en Californie, Lorna Miller invente des poupées réalistes dont le moindre détail est soigné, et qui surprennent l’observateur par la puissance de leur expression (photo de gauche). Jodi et Richard Creager, également californiens, représentent bien ces artistes qui souhaitent élargir leur horizon en créant des personnages issus d’autres cultures (“Fulani mother and child”, photo du centre). Lawan Angelique, une des rares artistes en poupées africaines-américaines, sculpte ses personnages à l’aiguille sur tissu. Ce jeune homme africain superbement vêtu semble nous regarder droit dans les yeux (photo de droite).

L’artiste noire américaine autodidacte Gloria Young Rone fabrique depuis 2000 des poupées en argile polymère, tissu ou bois sur des thématiques comme l’esclavage, les cueilleurs de coton (photo de gauche), les personnes âgées (photo du centre) ou les enfants (photo de droite) dans sa collection “Massa’s servants collectibles”.

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Sources de l’article
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Les poupées folkloriques etc. Partie I : poupées traditionnelles russes, américaines et japonaises

Un peu de terminologie

Les poupées folkloriques et apparentées constituent un pan important du patrimoine et de la production vivante de poupées à travers le Monde. Il existe dans ce domaine une profusion de notions qui va nous obliger à faire un peu de terminologie pour éclaircir le paysage et savoir de quoi on parle. En effet, on rencontre dans la littérature et sur les sites web des termes qui sont rarement définis et parfois employés à tort : on parle de poupée folklorique, ethnique, exotique, traditionnelle, rituelle, régionale, nationale, de pays, du Monde, en costume, souvenir, ou encore touristique. Nous proposerons une classification simple de ces notions, qui s’appuie sur des définitions du CNRTL (Centre National de Ressources Terminologiques et Linguistiques), émanation du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et de l’ATILF (Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française), qui ont le double mérite d’être à la fois concises et contextuelles.
Il nous a semblé que l’adjectif folklorique (dans son acception première non péjorative) présentait le caractère le plus générique :
Folklore : ensemble des arts et traditions populaires d’un pays, d’une région, d’un groupe humain.
Voilà nos poupées traditionnelles (et par extension rituelles), régionales, nationales, de pays et du Monde rangées sous la bannière des poupées folkloriques. Les poupées en costume également, puisque ce terme très vague désigne ici implicitement le costume folklorique et ses dérivés spécifiques que nous venons d’identifier (costume traditionnel, régional, national,…), excluant les costumes de mode qui sont rattachés aux poupées mannequins. Poursuivons :
Ethnie : groupe d’êtres humains qui possède, en plus ou moins grande part, un héritage socio-culturel commun, en particulier la langue.
Voilà nos poupées ethniques apaches (Amérique du Nord) et bambaras (Mali et Sénégal) classées dans les poupées folkloriques, puisque la notion de groupe humain se retrouve dans la définition du folklore d’une part, et que le terme d’ethnie est plus restrictif que celui de peuple, qui s’accorde avec les épithètes régional, national,…d’autre part. Signalons ici une confusion répandue, sans doute due à l’influence anglo-saxonne : employer le terme ethnique pour désigner une couleur de peau différente du type européen. Ainsi, les Barbie noires censées représenter les afro-américaines sont baptisées “poupées ethniques”, alors que les afro-américains ne constituent pas une ethnie, pas plus que les hispano-américains, entre autres pour la raison que la langue de ces groupes humains ne leur est pas spécifique.
Les poupées souvenir ou touristiques sont des avatars des poupées folkloriques en ce qu’elles ne sont pas forcément fabriquées de manière artisanale ou artistique par des représentants des peuples ou des ethnies concernées, mais peuvent être fabriquées industriellement n’importe où dans le Monde. On peut donc les classer dans les poupées folkloriques, en ayant à l’esprit cette remarque importante.
Restent les poupées exotiques :
Exotique : qui est relatif, qui appartient à un pays étranger, généralement lointain ou peu connu (du locuteur) ; qui a un caractère naturellement original dû à sa provenance.
Dans le domaine des poupées, le qualificatif d’exotique est plus étroit que cette définition : il recouvre souvent la notion d’objet de collection ancien de valeur, ce qui classe les poupées exotiques à part des poupées folkloriques, qui ne sont pas caractérisées par cette notion. C’est, par ailleurs, une notion relative : le sioux est exotique pour un breton, et réciproquement. Toutes les poupées sont donc logiquement exotiques. Cependant, nous en retiendrons la version la plus adaptée pour la clarté de l’étude, celle du point de vue de l’observateur occidental, qui considère comme exotique tout ce qui n’est pas européen.
Un autre problème se pose pour les poupées exotiques : il faut distinguer celles fabriquées par les peuples autochtones de celles fabriquées en Europe et plus récemment en Chine. Enfin, les poupées exotiques étaient par le passé souvent définies par des critères raciaux : on parlait de poupées noires, jaunes ou mulâtres. On parle plus aujourd’hui en termes géographiques (poupée indonésienne, japonaise, arabe,…), quoique subsistent encore de tenaces amalgames : cela n’a pas beaucoup d’intérêt de parler d’une poupée orientale ou africaine, pas plus que de parler d’une poupée occidentale ou européenne.
Dernière remarque liminaire : toutes ces poupées peuvent avoir le statut d’objet de collection ou de jouet, suivant leur valeur, leur fragilité ou leur état de conservation.
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Poupées traditionnelles et rituelles

Ces poupées sont dans une certaine mesure traitées dans la page Histoire. Remarquons que l’on trouve pour la plupart des poupées traditionnelles (c’est moins vrai pour les poupées rituelles, qui gardent encore un peu de leur pouvoir magique) des copies actuelles sous la forme de poupées souvenir ou touristiques : c’est particulièrement le cas pour les poupées kokeshi du Japon, qui ont aussi une dimension patriotique, et pour les célèbres poupées russes, ou matriochkas.

Russie

Arrêtons-nous un instant sur les poupées traditionnelles de Russie, dont l’histoire est particulièrement riche.
Il fut un temps où les poupées sauvaient des vies humaines en remplaçant les êtres humains dans les rituels de sacrifice. Ces poupées de substitution portaient un nom particulier qui était parfois celui du dieu ou de l’idole destinataire du sacrifice : Kostroma (photo), Morena, Kupalo, Yarilo,…En retour les personnes qui avaient donné les poupées à sacrifier demandaient un amour heureux, des récoltes abondantes, une bonne santé et un bien-être général.

Les poupées étaient constituées de toutes sortes de matériaux facilement disponibles : paille, argile, bois, liber, épis de maïs, racines, cendre, branches d’arbre,…Dans ces temps reculés, les poupées n’étaient jamais laissées retournées mais “soigneusement gardées dans un panier ou un coffre embossé. De cette manière, elles passaient d’une fille à une autre”, le problème étant que les familles rurales de l’époque étaient particulièrement nombreuses et pouvaient compter jusqu’à quinze enfants. Pour devenir une bonne mère, comme dans tant d’autres cultures, une fillette devait jouer à la poupée.
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Amulettes, poupées rituelles et jouet

Les poupées traditionnelles de Russie se classent en trois catégories selon leur rôle : amulette, poupée rituelle et jouet. Il est intéressant de noter que les traits du visage des amulettes, qui sont en fait des poupées de chiffon, ne sont pas peints : ceci est lié à d’anciennes croyances, associées au rôle de talisman de la poupée devenue objet magique. Cette poupée sans visage fonctionne comme un tjurunga : l’absence de face désigne la poupée comme inanimée et donc inaccessible aux puissances du mal. Les habits de la poupée amulette sont toujours de couleurs vives et brodés de symboles magiques (photo).

De nombreux rituels dans la vieille Russie étaient conduits avec l’aide de poupées spécialement fabriquées. Ces poupées rituelles étaient tenues pour sacrées et gardées dans le coin sanctifié de l’isba. Si une famille détenait une poupée de fertilité faite à la maison, elle moissonnerait une bonne récolte et serait prospère. La poupée baigneuse intervenait au début de la saison des eaux : on la faisait flotter sur la rivière, et les rubans attachés à ses mains emportaient les maladies et les peines avec elle, grâce au pouvoir purifiant de l’eau. La célèbre et grande poupée rituelle de Maslenitsa était faite de paille ou de liber : cette tradition prend ses racines dans les temps païens, quand le peuple russe disait adieu à l’hiver rigoureux pour accueillir le printemps avec des crêpes rondes, dorées et chaudes comme le soleil, des jeux, des chants et des danses, et la destruction par le feu d’une poupée à l’effigie de l’hiver (photo).

Une poupée de cendre était présentée à un couple le jour de son mariage comme symbole de la continuité de la famille et comme médiateur entre les vivants et l’au-delà : elle représentait l’esprit des ancêtres s’adressant à ses descendants. Des poupées rituelles étaient utilisées pour soigner : parmi elles, Kozma et Demyan, faites de plantes médicinales telles que l’achillée ou la camomille.
Les poupées jouets étaient destinées à l’amusement des enfants. Elles étaient faites par couture ou assemblage. Dans ce dernier cas, un bâton de bois était enveloppé d’une épaisse pièce de tissu, maintenue par une ficelle enroulée ; puis la tête et les mains étaient fixées au bâton, et la poupée était élégamment habillée. Parfois, ces poupées jouets étaient faites sans bâton.
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Les matriochki

Tout autre est le rôle de la matriochka, qui incarne une fonction patriotique en rencontrant à la fin du XIXe siècle le regain d’intérêt des russes pour leur histoire, leur culture, leur folklore et leur artisanat : ces célèbres poupées emboîtées racontent des histoires, des contes de fées, des contes épiques, des vies de héros nationaux,…Mais d’où viennent-elles ?
La première matriochka, cette figure familière de poupée potelée au visage rond portant un foulard et une robe folklorique russe (photo) n’est pas venue au Monde dans l’antiquité.

La création de cette poupée a en fait été provoquée par la figurine du sage bouddhiste Fukuruma apportée à Abramtsevo ( propriété située au nord de Moscou, qui devint le centre du mouvement slavophile et de l’activité artistique dans la Russie du XIXe siècle)  depuis l’île de Honshū au Japon. Inspiré par la tête oblongue et chauve de ce sage de bois au visage bon enfant, œuvre d’un moine russe habitant Honshū, le fabricant de jouets Vasili Zviozdochkin tourna la première matriochka, qui fut peinte par l’artiste Serguei Maliutin. Elle comprenait huit poupées imbriquées, alternant filles et garçons jusqu’à la dernière poupée, pleine, qui figurait un bébé emmailloté. Au fait, d’où vient le nom étrange de matriochka ?
Là, les explications ne manquent pas : c’est un dérivé du prénom féminin russe Matriona, traditionnellement associé à une femme russe de la campagne, corpulente et robuste ; ou bien du prénom Masha ou Mania ; ou encore de la déesse mère hindoue Matri ; ou enfin de “mat’ triochki”, “mère des trois” en russe, allusion à une poupée japonaise contenant trois petite poupées identiques.
En 1900, les matriochki (pluriel de matriochka) gagnèrent une médaille et des éloges internationaux à l’exposition universelle de Paris. Au début du XXe siècle, une version dotée de pieds mobiles vit le jour, qui lui permettait de marcher sur un plan incliné. Et quel est le principe de fabrication des matriochki ?
Ce principe n’a pas évolué depuis les débuts. Le bois utilisé est du tilleul ou du bouleau, taillé en blocs puis bien séché. La plus petite poupée, pleine, qui peut être aussi petite qu’un grain de riz, est toujours faite en premier. Le tournage, qui nécessite une grande précision dans la taille du bois, est un art qui se pratique au jugé sans prendre de mesures et requiert plusieurs années d’apprentissage : certains maîtres tourneurs peuvent travailler les yeux fermés !

Les poupées russes sont ensuite polies, puis peintes et vernies. Au XIXe siècle, les matriochki étaient uniquement peintes à la gouache, tandis qu’aujourd’hui on utilise également de l’aniline, de la tempéra et même de l’aquarelle. On peint d’abord le visage, le tablier avec une image pittoresque, puis le sarafane ( vêtement féminin populaire russe, robe droite sans manche) avec le foulard.
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Amérique du Nord

Les États-Unis et le Canada ont, comme la Russie, une riche histoire de poupées traditionnelles (voir la page Histoire). Lorsque les européens arrivèrent dans le nouveau Monde au XVIe siècle, ils apprirent des autochtones comment fabriquer des poupées avec des matériaux naturels tels que la fibre de palmier nain, les épis de maïs ou de la paille de pin en bottes.

Les poupées autochtones

Parmi les ethnies fabriquant des poupées en enveloppe de maïs, on trouve les iroquois (photo gauche), les oneida (photo centre) et les cherokee (photo droite).

Les indiens seminole (photo gauche) fabriquent des poupées en fibre de palmier nain habillées de patchwork. Les bébés shoshone (photo centre) sont faits de peau de daim et placés dans un berceau décoré de perles. Les navajos réalisent des poupées en chiffon peintes parées de vêtements et de bijoux traditionnels (photo droite).

Les sioux lakota fabriquent des poupées “anges” (photo gauche). Les poupées conteuses pueblo sont en argile, et figurent une femme, parfois un homme, à la bouche ouverte en train de conter ou de chanter à un ou plusieurs enfants qu’elle tient dans ses bras ; elles symbolisent la famille, la tradition et le bonheur (photo centre). En Amérique centrale, les indiens mayas de l’actuel Guatemala fabriquent des poupées soucis miniature (pas plus hautes que 2,5 cm) rangées dans des pochettes colorées (photo droite) ; ce sont des porte-bonheur qui éloignent les cauchemars si on les place sous l’oreiller ; dans une autre version de la légende, il suffit de raconter un problème à chaque poupée, et elle apparaîtra dans un rêve pour apporter sa solution.

 

Il n’était pas habituel chez les indigènes de garder les poupées au-delà de l’enfance, d’où l’emploi de matériaux éphémères : la désagrégation du jouet symbolisait le passage de l’enfance à l’âge adulte. Même les poupées en bois ou en cuir n’étaient pas faites pour durer comme les produits artisanaux pour adultes. Dans de nombreuses tribus, il n’était pas approprié de discipliner les très jeunes enfants, aussi ne leur donnait-on pas de jouets qu’ils ne pouvaient pas mâcher ou jeter à la rivière. Toutefois, bien que les poupées n’aient pas été faites pour durer, elles étaient souvent admirablement parées de vêtements et de bijoux miniatures, décorées de perles ou peintes, portant de la fourrure animale ou même des cheveux de la mère de l’enfant à qui était destinée la poupée.
Les enfants indigènes étaient fascinés par les poupées que les colons avaient apportées d’Europe avec eux et les enfants des colons étaient tout aussi fascinés par les poupées des autochtones. Au fur et à mesure que les colons se déplaçaient vers l’ouest, les indiens faisaient du troc avec eux pour obtenir les petites poupées blanches ; en retour, les colons commandaient aux femmes autochtones des poupées en habits indiens comme jouets pour leurs enfants.
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Les poupées des colons

Au début du XIXe siècle, les familles de colons fabriquaient souvent des poupées pour leurs jeunes enfants, dont les “pennywoods” (poupées en chiffon ou en bois sculpté). Les filles plus âgées apprenaient à coudre en confectionnant leurs propres poupées. Les premières poupées fabriquées en série étaient en papier mâché ; aux États-Unis, pendant la guerre de sécession (1861-1865), les têtes creuses de ces poupées étaient utilisées pour passer en contrebande de la morphine et de la quinine aux soldats confédérés du sud, souvent dans les bras des enfants ! Lors de la reconstruction (1865-1877), les veuves du sud gagnaient leur vie en peignant à la main des poupées de papier figurant des femmes habillées en costume d’avant-guerre ; les poupées noires deviennent populaires auprès des familles blanches du sud, tandis qu’au nord ce sont les poupées à l’effigie du général Ulysses S. Grant (héros nordiste de la guerre de sécession et 18e président des États-Unis) qui sont à la mode.
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Japon

Vous trouverez un dossier beaucoup plus complet sur les ningyō ici.

Les origines

Au Japon, il peut y avoir une continuité entre les figures humanoïdes dogū de l’époque Jōmon (8000-200 av. J.C.) et les figures funéraires haniwa de l’époque Kofun (300-600). L’expert américain Alan Pate note que des archives de temples mentionnent l’existence d’une poupée en herbe bénie et jetée à la rivière en l’an 3 av. J.C. ; la coutume, vraisemblablement plus ancienne, est à l’origine de la fête hina matsuri (voir ci-dessous).
Il existe au Japon de nombreuses poupées traditionnelles (appelées ningyō, littéralement “figure humaine”), détaillées dans le premier roman écrit au XIe siècle et intitulé “Le conte de Genji” : les filles jouaient à la poupée et aux maisons de poupées ; les femmes réalisaient des poupées protectrices pour leurs enfants et petits-enfants ; les poupées participaient à des cérémonies rituelles et religieuses, emportant les péchés des personnes qu’elles touchaient.
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Une tradition vivace

Les hōko (non explicitement mentionnées dans “Le conte de Genji”) étaient des poupées à corps mou données aux femmes enceintes pour protéger la mère et son futur bébé. Les premiers fabricants de poupées professionnels furent sans doute les sculpteurs de temples, qui employaient leur talent à réaliser des poupées saga (images d’enfants peintes sur bois). Les possibilités de cette forme d’art, exploitant le bois taillé ou la composition, le gofun et les textiles, étaient vastes.
À l’époque Edo (longue période de paix entre 1603 et 1868 après des siècles de guerres civiles), on trouvait d’excellents fabricants de poupées dans chaque ville importante. On vit se développer un marché de personnes fortunées prêtes à payer le prix fort pour exposer chez elles ou offrir les plus beaux ensembles de poupées. Le commerce des poupées fut régulé par le gouvernement, prévoyant l’arrestation ou le bannissement des fabricants ne respectant pas les lois sur les matériaux ou la hauteur des poupées.
Les poupées étaient utilisées lors de cérémonies rituelles comme hina nagashi (littéralement flottaison des poupées), où l’on mettait à la mer des bateaux chargés de poupées données par des petites filles, dont la santé et le succès étaient ainsi assurés, le mauvais sort étant éloigné à la mer par l’intermédiaire des poupées (photo).

C’est à l’époque Edo que la plupart des poupées traditionnelles ont vu le jour. Les plus célèbres sont les poupées hina, qui correspondent à hina matsuri, la fête ou jour des poupées, ou encore jour des filles (3 mars). Toutes sortes de matériaux peuvent les constituer, mais la poupée Hina classique a un corps pyramidal fait de textiles élaborés en plusieurs couches bourrés de paille ou de blocs de bois, des mains (et parfois des pieds) en bois taillé couvert de gofun, et une tête en bois sculpté ou composition moulée également couverte de gofun, avec des yeux incrustés en verre (avant 1850, gravés dans le gofun puis peints) et des cheveux naturels ou en soie. Un ensemble complet de poupées Hina comprend au moins 15 poupées représentant des personnages de cour de l’époque Heian (794-1185), les principales étant le couple empereur et impératrice (photo).
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Parmi les poupées traditionnelles les plus célèbres figurent les daruma, représentations très stylisées de Bodhidharma, le fondateur du bouddhisme Zen qui introduisit les arts martiaux dans le temple de Shaolin en Chine. Ces poupées rouges et sphériques à face blanche sans pupilles en papier mâché creux sont des porte-bonheur ; on dessine une pupille quand on se fixe un objectif, et la deuxième lorsqu’il est atteint. Elles furent inventées au temple de Shorinzan Darumaji dans la ville de Takasaki au XVIIe siècle : le difficile métier d’éleveur de soie de la région conduisit les fermiers à demander au temple un porte-bonheur pour parer aux saisons difficiles, d’où Daruma. Ces poupées ne tombent jamais car elles sont équilibrées par un poids, leur devise est “nanakorobi yaoki”, “tombé sept fois, relevé huit”, elles sont un symbole de persévérance. Comme tous les porte-bonheur au Japon, on ne les jette pas, elles doivent être brûlées lors d’une cérémonie Dondo Yaki dans un lieu saint de la religion shinto (photo).

Le nom des poupées ichimatsu vient de celui d’un acteur populaire du théâtre kabuki  (forme épique du théâtre japonais traditionnel ; centré sur un jeu à la fois spectaculaire et codifié, il se distingue par un maquillage élaboré et l’abondance de dispositifs scéniques destinés à souligner les paroxysmes et les retournements de la pièce) au XVIIIe siècle. Représentant à l’origine cet acteur, elles sont aujourd’hui associées à des figurations réalistes de bébés ou de jeunes enfants aux yeux de verre et à l’expression solennelle (photo).

Iki ningyō, littéralement “poupée vivante”, désignait des poupées grandeur nature utilisées à l’époque Edo par des comédiens itinérants (photo). Elles choquèrent tellement (certaines spectacles mettaient par exemple en scène des poupées baignant dans leur sang) que le gouvernement édicta des lois limitant leur taille. Le terme désigne aujourd’hui les mannequins de vitrine.
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Les karakuri ningyō étaient des poupées mécaniques ou automates fabriquées au Japon du XVIIe siècle au XIXe siècle. Le mot karakuri signifie mécanisme ou astuce ; ningyō signifie personne et forme, ce qui peut être traduit par marionnette, poupée ou effigie. Les mouvements de la poupée, qui peut servir le thé (photo), tirer à l’arc, danser,… étaient faits pour divertir. Les Karakuri étaient utilisées au théâtre, comme gadgets domestiques, ou dans les festivals, où les poupées servaient à exécuter des reconstitutions de mythes et légendes traditionnels.

Les poupées hakata, du nom de l’un des sept arrondissements de la ville de Fukuoka dont elles sont originaires au XVIIe siècle, étaient à l’origine en argile et offertes dans les temples bouddhistes ou au gouverneur de l’arrondissement. Devenues de simples jouets en biscuit, puis de véritables œuvres d’art délicatement proportionnées et colorées à la fin du XIXe siècle, elles remportèrent des médailles d’or et d’argent à l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925. Elles connurent la célébrité lorsque des soldats américains de retour de l’occupation du Japon après la deuxième guerre mondiale en rapportèrent aux États-Unis. Exportées peu après, elles furent produites en série de moindre qualité. Moins populaires au Japon aujourd’hui, elles sont encore fabriquées comme bibelots pour touristes ou selon la méthode artisanale traditionnelle (photo).
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Un okiagari-kobōshi  (“petit prêtre se relevant”) est une poupée creuse en papier-mâché conçue avec un contrepoids de façon à revenir en position verticale si elle est inclinée (sorte de culbuto, photo). Considérée comme porte-bonheur, et depuis longtemps jouet connu des petits japonais, symbole de persévérance et de résistance, elle remonte au XIVe siècle. Les premiers fabricants se sont probablement inspirés du modèle chinois de Budaoweng “vieil homme ne tombant pas”, qui est lesté de la même façon, et dont la description remonte à la dynastie Tang (VIIe siècle – début du Xe siècle). Elle est  particulièrement appréciée et vendue dans la région Aizuwakamatsu de la préfecture de Fukushima, où les clients laissent tomber au sol plusieurs de ces poupées à la fois : celles qui restent droites sont considérées comme chanceuses ; les vendeurs les testent en abaissant deux poupées à la fois, celle qui se relève la première est plus chanceuse ; la tradition demande que l’on achète une de ces poupées pour chaque membre de la famille plus une, dans l’espoir que la famille s’agrandisse durant l’année.

Le bunraku est une forme de théâtre japonais datant du XVIIe siècle, dans lequel les personnages sont représentés par des marionnettes de grande taille (1,20 m à 1,50 m), opérées à vue par trois manipulateurs expérimentés (photo) et dont la tête, le bras gauche et le bras droit disposent chacun d’un système de leviers pour en contrôler les mouvements. La tête est vide et fixée à l’extrémité d’une baguette, qui constitue la colonne vertébrale de la marionnette ; les épaules sont matérialisées par une planche transversale, des éponges placées aux extrémités en suggérant la rondeur ; les bras et les jambes sont attachés à cette planche par des ficelles, des morceaux de tissus étant fixés à l’avant et à l’arrière de la marionnette. Le mécanisme de la tête permet de faire bouger les yeux, les paupières, les sourcils, la bouche ou de faire hocher la tête, ce qui donne la faculté d’exprimer toute une gamme d’émotions. Les têtes sont divisées en catégories selon le sexe, la classe sociale et le caractère du personnage, et peuvent être employées pour plusieurs pièces en faisant varier la perruque et la peinture : elles sont en effet repeintes et préparées avant chaque représentation.
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Les poupées kimekomi ont été créées à Kyoto en 1736. La légende raconte qu’un artisan économe travaillant dans le lieu saint de Kamo créa une poupée à partir de chutes de tissu et de bois de saule trouvé sur les rives de la rivière Kamo. Elles font référence à une méthode de fabrication qui consiste à partir d’une base de bois taillé, de composition moulée ou, pour les plus récentes, de plastique alvéolaire. Après avoir taillé d’étroites rainures dans le corps de la poupée, on y insère les bords du tissu que l’on colle ensuite. La tête et les mains sont finies au gofun. Les cheveux peuvent être moulés sur la tête ou faire partie d’une perruque. Ce type de poupée (photo) est l’objet de loisirs créatifs très populaires au Japon, où l’on peut acheter des kits avec une tête finie pour habiller sa poupée. La méthode est aussi appliquée par des artistes en poupées d’avant-garde, qui adaptent les anciens matériaux à de nouvelles visions.

Les  teru teru bozu (“brille brille moine”) ne sont pas à proprement parler des poupées, mais des formes fantômatiques en papier ou tissu blanc pendues par le cou à une ficelle tendue depuis une fenêtre, afin d’apporter le beau temps et d’éloigner la pluie (photo). Bozu est un terme d’argot faisant référence à un moine bouddhiste au crâne rasé. La tradition est née chez les fermiers à l’époque Edo. Ells peuvent être pendues à l’envers pour appeler la pluie. Dans les temps anciens, elles étaient pendues sans les yeux, qui étaient ajoutés si le souhait n’était pas exaucé dans l’instant.
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Les poupées kintarō sont offertes aux enfants durant les vacances de tango no sekku (l’une des cinq cérémonies annuelles tenues à la cour impériale du Japon), afin qu’ils soient inspirés par la bravoure et la force du légendaire Kintarō (photo). Ce nom, littéralement “garçon doré”, est celui d’un héros du folklore japonais. Enfant à force surhumaine, il est élevé par une ogresse sur le mont Ashigara. Il devient ami des animaux de la montagne, et plus tard, après avoir capturé la terreur de la région, Shutendôji, il devient disciple de Minamoto no Yorimitsu (membre du clan Minamoto, un des quatre clans qui dominèrent la politique du Japon durant l’ère Heian) sous le nom de Sakata no Kintoki.

Les poupées musha, ou poupées guerrières, sont habituellement faites des mêmes matériaux que les hina, mais leur fabrication est plus compliquée, puisqu’elles représentent des hommes ou des femmes assis sur des chaises pliantes, à genoux ou à cheval (photo). Les armures, casques et armes sont faites en papier laqué, souvent avec des mises en valeur métalliques. Les personnages incluent : l’empereur Jimmu, l’impératrice Jingū et son premier ministre Takenouchi tenant dans ses bras l’empereur nouveau-né ; Shōki l’exorciste ; Toyotomi Hideyoshi, ses généraux et son maître de thé ; des personages de contes de fées, dont Momotarō le garçon de pêche ou Kintarō le garçon doré (voir ci-dessus).
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Les poupées gosho sont une forme simplifiée de mignons bébés grassouillets. Le gosho basique est un poupon assis presque nu, sculpté d’une pièce, avec une peau très blanche (photo), bien que des gosho vêtus, coiffés et accessoirisés de manière élaborée, garçons ou filles, soient devenus populaires. Ils se développèrent comme cadeaux associés à la cour impériale, gosho signifiant palais ou cour.

Avec la fin de l’époque Edo et l’avènement de l’époque moderne Meiji en 1869, la fabrication des poupées évolua. Les poupées à peau de soie devinrent populaires dans les années 1920 et 1930, permettant la création de kimonos élaborés pour les poupées qui représentaient des femmes de diverses périodes de l’histoire japonaise, en particulier l’époque Edo. Ces poupées furent rapportées par des militaires et des touristes après la seconde guerre mondiale.
La ville de Fukuoka devient un centre réputé de fabrication de poupées en biscuit, et les poupées hakata (voir ci-dessus) sont célèbres à travers tout le pays.
Anesama ningyō et shiori ningyō (littéralement “poupée grande sœur” et “poupée signet”) sont faites en papier washi. La première (photo gauche) est tridimensionnelle et offre souvent des coiffures élaborées et des costumes en papier washi de qualité élevée, tandis que la seconde (photo droite) est plate. Elles manquent souvent de traits du visage. Les poupées de la préfecture de Shimane sont particulièrement appréciées. Une version hybride appelée shikishi ningyō est devenue populaire ces dernières années : des personnages mis en scène sont disposés sur un rectangle de carton d’environ 0,1 m2  (photo bas).
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Sources de l’article

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