Si vous poussez la porte de la boutique à la façade jaune au 114 de l’avenue Parmentier dans le XIe arrondissement de Paris, vous le trouverez penché avec application sur une de ses poupées, procédant à un délicat changement d’élastiques, d’yeux, de membre ou encore de perruque, avec la minutie et la patience qui le caractérisent (photo ci-dessous). Lui, c’est Henri Launay, restaurateur de poupées anciennes en porcelaine, baigneurs en celluloïd, poupons et ours en peluche, depuis 55 ans dans ce même atelier qu’il a créé en 1964.
Né en 1927, il est titulaire d’un CAP d’électricien. À l’âge de 13 ans, il devient apprenti dans la création de boutiques de réparation en maroquinerie. Au tout début de sa carrière, Henri répare ainsi des sacs, des valises et des parapluies, mais un beau jour on lui fait remarquer que les réparateurs de parapluies s’occupent aussi de poupées, alors il se dit pourquoi pas ?, prend contact avec les fabricants de l’époque (Gégé, Clodrey, Raynal, SNF,…) et commence à se former sur le tas, en parfait autodidacte, à leurs méthodes de démontage/remontage de poupées. Comme il y a du travail dans le domaine, il profite de ce qu’il appelle un “concours de circonstances” et entame une nouvelle activité de restaurateur qu’il ne quittera plus.
“Mes doigts sont mes meilleurs outils”, a coutume de dire ce travailleur plus exigeant que ses clients, pour qui le résultat doit être parfait. C’est ainsi qu’au fil du temps, il s’est forgé une réputation internationale. Ses clients sont des adultes qui lui apportent avec gravité des poupées de leurs enfants “comme on amène un enfant à l’hôpital”, ou des poupées anciennes qui se transmettent de génération en génération. Les clients peuvent être aussi des collectionneurs très exigeants, en raison de leur passion et aussi du coût élevé de leurs poupées, surtout lorsqu’elles datent du XIXe siècle.
La poupée n’est assurément pas un jouet comme les autres : son caractère anthropomorphique (qui est semblable à l’être humain) et le plus souvent articulé favorise des mises en scènes d’animation ludiques, et permet à l’enfant d’y investir de forts sentiments qui laissent des traces durables dans l’imaginaire individuel et collectif. Ce jouet l’accompagne de l’âge de nourrisson à la puberté, et, complété par des accessoires (vêtements, mobilier, dînettes, véhicules,…), il autorise des jeux de rôles variés. La poupée est la gardienne silencieuse et fidèle des souvenirs d’enfance, et c’est pour cela que l’enfant y est si attaché.
Cette passion de l’enfant et du collectionneur pour ses poupées, Henri la voue à son métier. Vêtu d’une blouse blanche, le “doll doctor” observe, évalue les réparations à effectuer, et une fois le diagnostic posé, procède aux nettoyages, remplacements et remontages nécessaires. Il officie au milieu d’un entassement de poupées dans lequel il est le seul à se retrouver (photo ci-dessous), et de pièces détachées dont il possède une quantité impressionnante, résultat de l’acquisition de nombreux stocks accumulés au cours du temps.
En 55 ans de restauration, Henri a obtenu des compliments et des félicitations en abondance, qui constituent la meilleure récompense de son travail. Il a même reçu des témoignages émouvants, comme celui sur la poupée Arlette, endommagée pendant l’exode de 1940 (photo ci-dessous),
ou sur la poupée sans nom offerte par un officier allemand à un bébé français pendant la seconde guerre mondiale (photo ci-dessous).
Henri a (presque) toujours une solution à proposer à ses clients désemparés par l’état de leur poupée malade : il estime à seulement 1/1000 le pourcentage de poupées diagnostiquées comme irréparables. Gageons qu’il saura les réconforter pendant de nombreuses années encore en exerçant son métier de “guérisseur qui redonne vie aux poupées”, selon sa jolie formule.
Dans l’édition 2019 de son enquête annuelle sur les milliardaires, intitulée “Billionaire census 2019”, la société américaine de conseil Wealth-X révèle que la collection d’œuvres d’art est le quatrième hobby préféré des détenteurs d’un patrimoine supérieur à cinq milliards de dollars, avec 35,8 % de pratiquants, derrière la philantropie, le sport et les voyages en avion. Plus près de nous et de nos bourses limitées, la société américaine spécialisée dans l’aménagement des espaces de vie CompactAppliance constate que les poupées et jouets figurent parmi les cinq objets de collection les plus populaires, avec les timbres, les pièces de monnaie, les cartes de collection et les bandes dessinées.
Quels que soient ces objets et la motivation de notre ferveur collectrice, passion, intérêt financier ou autre, il est certain que ce hobby nécessite généralement un budget non négligeable. Heureusement, en ce qui concerne les poupées, entre le modèle de chiffon à 30 € déniché dans un salon ou une brocante et la poupée Eloise de Madame Alexander, décorée de cristaux Swarovski et de diamants de neuf carats estimée à 5 millions de dollars, en passant par la poupée d’Albert Marque adjugée à 150 000$ dans une vente aux enchères en 2011 (photo ci-dessous), ou la poupée d’artiste Amber Moon, série limitée de la créatrice Lorella Falconi vendue 940 €, il y en a pour toutes les bourses.
Pour ceux qui disposent de moyens conséquents ou pour les simples curieux, voici une sélection de 22 poupées valant de quelques centaines d’euros à plusieurs millions d’euros, présentées par ordre de prix croissant, sous la forme d’un dialogue entre poupées anciennes et Barbie classiques ou de créateurs, trois catégories naturellement onéreuses. Certaines d’entre elles ayant fait l’objet de donations à des musées, vous pouvez donc ranger votre portefeuille !
Commençons par les célèbres Kewpies créés par Rose O’Neill. Des modèles de 16,5 cm tout en biscuit datant des années 1910, constitués d’un bloc tête-torse-jambes avec bras articulés aux épaules et des yeux déviants peints, en parfait état de conservation, sont estimés dans une fourchette de 200 à 300 $. Fabriqués à l’origine par Borgfeldt, puis par Joseph Kallus et par Jesco dans les années 1980, ils sont très demandés par les collectionneurs malgré le grand nombre d’exemplaires présents sur le marché. Notons que des Kewpies en parfait état de conservation, dans des poses d’action ou dans des vêtements moulés, plus rares, ont atteint plusieurs milliers de dollars lors de ventes aux enchères.
La Queen Elizabeth I Barbie, très populaire dernière monarque de la dynastie des Tudor, fait partie de la série “Women of Royalty”. Sortie en 2004, elle porte, à l’instar de de son modèle, une robe somptueuse, des bijoux raffinés et un diadème en or, et arbore son front haut et son teint pâle (photo de gauche ci-dessous). Dans le courant de l’année 2019, deux exemplaires étaient proposés sur Amazon à 500 $.
Cette beauté au bain allemande en biscuit de 7,5 cm assise (photo de droite ci-dessous) a été réalisée aux environs de 1920. Les traits du visage peints, elle porte une perruque en mohair brune. La tenue, d’origine, est inspirée du style des harems turcs des années 1930, avec un turban vert et des boucles d’oreilles ornées de perles. Sa valeur en parfait état de conservation, comprise entre 500 et 700 $, est supérieure en présence d’accessoires tels qu’un miroir ou un perroquet.
Retour à la star de chez Mattel avec la Midnight Tuxedo Barbie. D’une élégance intemporelle, elle s’affirme avec audace dans sa robe traînante noire brillante sans manches à revers satinés et boutons argentés, assortie d’une étole en fausse fourrure et d’un sac à main en satin noirs (photo de gauche ci-dessous). Cette poupée produite en 2001 dans la collection “Official Barbie Collector Club Exclusives” (exclusivités officielles du club de collectionneurs Barbie), avec sa peinture de visage élaborée et son abondante chevelure brune tombant sur ses épaules, est estimée à 995 $.
Un nouveau saut dans le temps, et voici une poupée française en biscuit de Gaultier vêtue d’un joli ensemble en tissu ancien et fabriquée aux alentours de 1875 (photo de droite ci-dessous). Haute de 38 cm, elle est dotée d’une tête pivotante sur une plaque d’épaules bordée de chevreau et d’yeux bleus en verre incrustés avec cils peints et sourcils en plumes. Bouche fermée aux lèvres accentuées, oreilles percées et perruque en mohair blonde sur une calotte crânienne en liège, son corps d’origine en chevreau français avec articulations à soufflet aux coudes, hanches et genoux possède des doigts cousus séparément et se trouve en état de conservation quasi parfait. Elle a été vendue aux enchères 1 600 $ chez Proxibid.
Somptueusement signée par la styliste Monique Lhuillier, la Monique Lhuillier Bride Barbie doll (photo de gauche ci-dessous) produite en 2006 porte une robe de mariée à corset en dentelle de soie blanche et jupe plissée en tulle à coupe en A. Une ceinture en satin bleu avec broche florale en strass, aux extrémités brodées de fausses perles et décorées de paillettes argentées, souligne la taille. Une lingerie en dentelle et des jarretelles blanc cassé à ruban bleu complètent l’ensemble. Cette version “Platinum Label” (édition limitée à moins de 5 000 exemplaires) blonde aux yeux bleus, signées sur sa boîte par la styliste, est estimée à 1 600 $.
Un des trois premiers personnages de la ligne historique de poupées American Girl créée par Pleasant Rowland, sorti en 1986, Kirsten Larson (photo de droite ci-dessous) évoque la vie d’une émigrante suédoise qui s’installe avec sa famille dans le Minnesota au milieu du XIXe siècle. Retiré de la vente en 2010, son prix s’est envolé et continuera d’augmenter en raison de son appartenance à la première série de la ligne historique, avec Samantha Parkington et Molly McIntire. En bon état de conservation et accompagnée de ses accessoires (livres, capeline, sac en tissu brodé, cuillère en bois, collier avec pendentif en ambre), cette poupée peut atteindre 2 000 $.
La Happy Holidays Barbie de 1988 est l’une des plus convoitées de la collection “Happy Holidays Series”. Habillée d’une robe longue en tulle rouge pailletée cintrée d’un nœud en satin blanc, ses longs cheveux blonds ornés d’un nœud argenté, elle est visiblement prête à faire la fête (photo de gauche ci-dessous). Habituellement estimée entre 550 et 750 $, cet exemplaire signé par Ruth Handler, la créatrice de Barbie en personne, est proposé à 3 000 $ sur eBay.
Les droits d’auteur sur les célèbre poupées de chiffon Raggedy Ann ayant été obtenus en 1915, elles sont aujourd’hui plus que centenaires. Bien que connues pour avoir les cheveux rouges, elles avaient à l’origine les cheveux bruns, caractéristique qui leur confère plus de valeur. Reconnaissables à leur cœur en carton que l’on peut sentir sous les vêtements, elles atteignent 3 000 $ dans les ventes aux enchères, aussi bien Raggedy Ann que son frère Raggedy Andy apparu en 1920. Vendues avec leurs livres et leurs accessoires, c’est toutefois la poupée elle-même qui détermine le prix.
Puisant son inspiration dans la signature vestimentaire du célèbre styliste, la Karl Lagerfeld Barbie Doll, conçue par Robert Best et sortie en 2014, emprunte à la silhouette iconique une veste noire cintrée, une chemise d’homme blanche à col haut et poignets mousquetaire, une cravate en satin noir et un jean noir étroit. L’ensemble est complété par des accessoires : mitaines noires, lunettes de soleil, bottines noires et sac à main en cuir noir avec décorations métalliques argentées. Cette version “Platinum label” (édition limitée à 999 exemplaires) est estimée, dans sa boîte d’origine, à 6 000 $.
Ce bébé d’André Jean Thuillier de 38 cm datant de la fin du XIXe siècle possède une perruque en mohair et une calotte crânienne en liège d’origine. Il présente un corps articulé en bois et composition, une belle tête en biscuit pressé aux traits de visage finement peints, des yeux en verre de type “presse-papier”, une bouche fermée et des oreilles percées. Le bébé porte une robe et un chapeau en soie, des sous-vêtements et des bas, le tout en tissus anciens, ainsi que des chaussures en cuir ancien avec rosette. Il a été adjugé à 8 000 $ aux enchères chez Apple Tree Auction Center.
La Pink Diamond Barbie (photo de gauche ci-dessous), créée par les stylistes David et Phillipe Blond en collaboration avec le responsable du design chez Mattel Bill Greening, fait son entrée au défilé des Blonds à la New York Fashion Week du printemps 2013. Sa robe bustier est couverte de petits diamants rose et fuchsia cousus à la main. Elle porte également un manteau traînant en fausse fourrure rose, une bague et des clous d’oreilles à diamant rose. Elle a été mise aux enchères à 15 000 $.
Produit aux environs de 1882, ce bébé Schmitt et fils (photo de droite ci-dessous) au corps d’origine signé possède une tête à rotule en biscuit en forme de poire aux joues bien remplies et des fesses plates permettant une bonne assise, caractéristiques de ce fabricant français. D’une taille de 58,5 cm, son visage arbore des yeux marron en verre incrustés de type “presse-papier”, un eye-liner noir épais, un fard à paupières lavé de mauve, une bouche fermée suggérant des dents peintes à peine visibles entre des lèvres accentuées, des oreilles percées et une perruque blonde en mohair sur une calotte crânienne en liège. Son corps en composition et bois est doté de huit articulations sphéroïdes. Il porte une belle robe en soie et lin. Dans un très bon état de conservation, sans cheveu ni fêle, il est proposé sur eBay à 17 250 $.
La célèbre Original Barbie en maillot de bain zébré produite en 1959 (photo de gauche ci-dessous), aux lèvres rouges et eye-liner noir épais saisissants, était disponible en versions blonde ou brune. Il s’en est vendu cette année-là 350 000 exemplaires pour la modique somme de trois dollars chacun. Le site web “The Richest” affirme que le seul critère de reconnaissance d’une Barbie 1re édition est la présence de trous sous les pieds pour fixer la poupée sur son socle. La 2e édition sortie la même année tenait sans trous dans les pieds à l’aide d’un support. Un exemplaire de la 1re édition s’est vendu aux enchères à 27 450 $.
Les œuvres d’Izannah Walker, célèbre artiste pionnière de la seconde moitié du XIXe siècle détentrice d’un brevet de fabrication de poupées en tissu, sont aujourd’hui très recherchées par les musées et les collectionneurs. Ella (photo de droite ci-dessous) est une poupée de 46 cm aux traits et cheveux peints, avec deux boucles devant ses oreilles appliquées. Elle est dotée d’un corps en tissu et porte des chaussures peintes noires avec lacets. Dans la famille Pope depuis 1857 avec sa garde-robe d’origine, elle a été donnée à Elizabeth Coggenshall Pope à sa naissance cette année-là. Ella est vendue avec sa propre chaise marquée de l’année 1824 et sa garde-robe : un manteau, plusieurs robes, un tablier, une chemise de nuit, un jupon, des manchons, un chapeau, des chaussettes et des chaussures. Elle a été adjugée aux enchères en 2008 chez Withington Auction à 41 000 $.
Pour fêter les 40 ans de Barbie en 1999, Mattel s’associe avec le célèbre joaillier De Beers pour habiller la très glamourDe Beers 40th Anniversary Barbie (photo de gauche ci-dessous). Elle porte, outre une jupe longue en tissu fin, un haut de bikini en or et un châle mandarine assorti. Mais le plus important, c’est la ceinture : elle contient 160 véritables diamants De Beer. Une de ces rares poupées a été vendue aux enchères à 85 000 $.
Ce n’est pas à proprement parler une poupée, mais son histoire vaut la peine d’être contée : dans les semaines qui suivirent la tragédie du Titanic, Steiff créa 500 oursons en deuil noirs pour commémorer l’événement, réservés exclusivement au marché anglais. Réalisés dans cinq tailles différentes et exposés dans des magasins londoniens, ils furent quasiment liquidés du jour au lendemain. Ils sont aujourd’hui parmi les ours de collection les plus rares et recherchés du Monde. Parmi les 82 oursons de 51 cm produits, un exemplaire avec son bouton métallique dans l’oreille gauche et son étiquette intacts a été adjugé 136 000 $ dans une vente aux enchères chez Christie’s en 2000, pour le compte du Puppenhaus Museum de Bâle (Suisse).
L’élégante blonde platine Stefano Canturi Barbie, avec sa haute queue de cheval et sa frange, habillée d’une robe courte noire sans bretelles, est la plus chère des Barbie jamais vendues (photo de gauche ci-dessous). Engagé par Mattel pour lancer la collection “Barbie Basics” en Australie, le concepteur de bijoux australien Stefano Canturi a créé en 2010 le collier de diamants roses en taille émeraude d’un carat chacun et de diamants blancs de trois carats de cette édition spéciale de poupée, réalisée au profit de la fondation américaine pour la recherche sur le cancer du poumon (Breast Cancer Research Foundation). Il a fallu six mois à Stefano Canturi pour créer la poupée et fabriquer le collier, d’une valeur de 300 000 $. La poupée a été adjugée aux enchères chez Christie’s à New York pour 302 500 $.
Il n’y a pas d’autre exemplaire connu de cette rare poupée de caractère Kämmer & Reinhardt représentant une petite fille au début des années 1900(photo de droite ci-dessous). Elle a des cheveux auburn tressés et des yeux bleu gris assortis à sa ceinture et aux décorations de sa robe en dentelle blanche à manches longues. Elle porte également un chapeau de paille, des bas et des chaussures blanches. En raison de ses oreilles percées et de son expression inhabituellement mûre, on suppose qu’elle a été faite dans un moule expérimental. Elle a été vendue aux enchères par Bonhams en 2014 pour la somme de 400 000 $.
Au-delà des 302 500 $ de la Stefano Canturi Barbie, l’héroïne de Mattel s’essouffle et abandonne la course aux poupées, oursons et automates anciens, qui vont largement dépasser, comme nous allons le voir, le million de dollars.
Le prochain sur notre liste est l’ourson Steiff Louis Vuitton (photo de gauche ci-dessous), fruit d’une collaboration entre le fabricant allemand de jouets et la maison française de maroquinerie et de prêt-à-porter de luxe. Équipé d’une garde-robe et de bagages de voyage coûteux, il est fabriqué avec de la vraie fourrure et de l’or et possède des yeux en saphir et diamant. Actuellement exposé au Teddy Bear Museum de Jeju (Corée du Sud), il a été acquis par le célèbre collectionneur coréen Jessie Kim lors d’une vente de charité à Monaco en 2000 pour la somme de 2,1 millons de dollars, ce qui en fait l’ours en peluche le plus cher du Monde.
Seules cinq de ces poupées entièrement articulées existent au Monde : Madame Alexander Eloise (photo de droite ci-dessous), du nom de sa créatrice, porte des vêtements Christian Dior, une fourrure signée Oscar de la Renta et des accessoires Katherine Baumann. Elle est de plus décorée de cristaux Swarovski et de diamants neuf carats. Son allure est caractérisée par une chevelure blonde, un visage joufflu et un petit chien stylé. Elle a été adjugée 5 millions de dollars dans une vente de charité en 2000.
Il a fallu plus de 15 000 heures à douze artisans, sous la supervision de l’expert français contemporain Christian Bailly, de l’atelier Jacob Frisard à Sainte-Croix (Suisse), nommé d’après un célèbre fabricant d’automates de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles, pour fabriquer l’oiseleur (photo ci-dessous), un mécanisme complexe de 2 340 pièces en acier polies ou dorées. Cette poupée automatisée, aux yeux en verre et au corps en porcelaine peinte, est habillée en costume renaissance en velours, satin et soie, brodé et rehaussé de perles et d’or. Elle porte une épée et tient une flûte dans une main, un oiseau dans l’autre et un second oiseau sur l’épaule. Lorsqu’une clé en or est tournée, l’automate joue la Marche des Rois de Georges Bizet à la flûte, ses yeux roulent et les oiseaux se mettent à battre des ailes, tourner la tête et ouvrir et fermer leur bec, sans aucune intervention électrique, seulement des ressorts, roues dentées et engrenages. L’ensemble pèse 55,4 kg, en incluant le socle en nacre et jade. Le budget de départ de cet automate était de 400 000 $, mais le coût des matériaux précieux, des stylistes, sculpteurs, bijoutiers, perruquiers et autres spécialistes l’a fait exploser. Pour réunir les fonds, Christian Bailly a vendu plus de cent automates du XIXe siècle collectionnés sur plus de 40 ans. Le prix demandé pour l’oiseleur est de 6,25 millions de dollars.
La 33e édition du festival international de poupées et d’ours en peluche s’est déroulée du 22 au 25 août 2019 dans la belle ville de Bruges (Belgique), les deux premières journées étant consacrées aux poupées et les deux dernières aux ours. Dans une salle latérale de l’imposant beffroi, haute tour médiévale de 83 mètres surmontant la halle aux draps sur la grand-place de la ville, on pouvait surtout y admirer les deux premiers jours de nombreuses poupées anciennes, comme celles de l’exposante hollandaise Marleen van Leeuven (photo ci-dessous).
Elle détient des trésors produits par des fabricants aux noms évocateurs : Armand Marseille, Ernst Heubach, Kämmer & Reinhardt, Kestner, Simon & Halbig, Jumeau, François Gaultier, Käthe Kruse, Chad Valley,…
La brugeoise Christelle Scholten réalise de belles copies en porcelaine de poupées anciennes (Ernst Heubach, Kämmer & Reinhardt, Kestner, Jumeau,…) et modernes (photo ci-dessous) de taille 25 cm.
Mais le fait marquant de ce festival illustre une tendance amorcée il y a quelques années : la présence d’exposants d’Europe de l’Est dans les salons occidentaux. Cette année à Bruges, nous avons retenu trois artistes russes, une créatrice biélorusse et une ukrainienne, collaboratrice d’un magazine qui organise le salon international de poupées d’artistes et d’oursons de Kiev. Dana Svistunova nous vient de Krasnoïarsk, en lointaine Sibérie, et fabrique à la main des poupées en bois et en tissu pleines de poésie (photo ci-dessous).
La poupée lunaire à l’air triste trônant assise au centre de cette photo est intitulée “Il est bon de parcourir le monde”. Tête et membres sculptés dans du bois de tilleul, le corps en textile bourré de sciure de bois et de granulés de caoutchouc, de sorte qu’elle est agréablement lourde et douce, cette grande poupée (57 cm) représente un vagabond, le bras droit enserrant une maison en bois, symbole du foyer dont il est dépourvu (photo ci-dessous).
L’argile polymère est le matériau de prédilection d’Anna Fadeeva. Elle sculpte de drôles de petits personnages et animaux au regard naïf rappelant un peu le monde d’Alice au pays des merveilles (photo ci-dessous).
Elle réalise aussi de hautes poupées élancées, émouvantes, qui dégagent une grande douceur (photos ci-dessous). Celle de gauche a un regard langoureux, tandis que sa compagne de droite arbore une mine réjouie.
Son univers est très éclectique, des petites filles modèles aux accessoires steampunk, en passant par les clowns et les châtelaines médiévales. Marina Danilina fabrique des poupées de porcelaine en éditions limitées (photo ci-dessous) et des ours en peluche de grande taille qu’elle aime mettre en situation. Ses poupées, sages petites filles rêveuses délicatement habillées, sont parfois en costume traditionnel russe.
“Réveillez l’enfant qui est en vous”, telle est la devise d’Olesya Gramovich, biélorusse de Minsk, créatrice des petites poupées Alexandrina en pâte La Doll (photo ci-dessous), semblant toutes droit sorties d’un conte de fées.
Elles présentent deux spécificités : accessoirisées et mises en scène sur le thème des fleurs, elles ont aussi parfois les yeux fermés, ce qui est rare dans le domaine des poupées, où le regard revêt une importance particulière pour exprimer leurs sentiments et révéler leur nature. Lorsqu’on interroge Alexandrina sur cette singularité, elle répond en riant : “je ne sais pas, peut-être sont-elles tournées vers leur monde intérieur, à la recherche de leur être profond”. Ci-dessous : à gauche, Princesse Rose ; à droite, Fleur Lilas.
L’ukrainienne Irina V. Dubchak est responsable des relations d’affaires et de la coopération du magazine ukrainien Модное рукоделие (Artisanat et mode), du salon international annuel de poupées d’artistes et d’oursons Модна лялька (Poupée de mode) et du salon international professionnel Craft. Business & Hobby, consacré à l’artisanat du textile et de la bijouterie, tous deux tenus à Kiev. Également engagée dans la promotion des artistes exposant aux salons “Poupée de mode”, elle présentait le travail de trois lauréates du concours thématique du salon de 2019 (photos ci-dessous, de gauche à droite) : Eglantine, de Bella Melkova (Israël) ; Caroline, de Oksana Salnikova (Ukraine) ; Dreamcatcher, de Kupka Marta (Ukraine).
Croisé dans les allées du salon, un expert en poupées bien connu de nos lecteurs : Samy Odin, ex-directeur du regretté Musée de la Poupée de Paris. L’occasion de rappeler ici la source principale sur les objectifs et l’actualité de sa nouvelle structure fondée en décembre 2018, Chérubins.