Avec ses 15 décors miniature et ses 80 personnages interprétés par des poupées mannequins, cette adaptation en 40 mn de spectacle par Anne-Pascale Patris de la célèbre pièce de théâtre a de quoi surprendre. La figurine d’Anton Tchekhov (photo ci-dessous, avec son teckel Quina), auteur de la pièce, accueille les visiteurs-spectateurs et raconte l’histoire de cette Cerisaie. Les voix des 12 comédiens prêtent alors la parole aux petits personnages des décors. Les visiteurs-spectateurs se déplacent de scènes en scènes, guidés par les lumières et les voix.
© Les Vies Denses Cie
Le récit se déroule en 1903. A quelques kilomètres de la frontière entre l’Ukraine et la Russie, la Cerisaie est une ancienne demeure avec un immense verger de cerisiers (photo de gauche ci-dessous, le balcon). Les propriétaires, une sœur Lioubov et son frère Gaev (photo du centre ci-dessous), aristocrates ruinés, sont amenés à la vendre aux enchères. Lopakhine (photo de droite ci-dessous, avec Lioubov), nouveau riche, fils d’un ancien serf a une solution : raser la Cerisaie pour en faire des lotissements. Lioubov et Gaev sauront-ils faire face à la situation et aux ambitions de Lopakhine ?
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Auteur de nouvelles et de pièces de théâtre, Anton Tchekhov est également médecin. Il observe ses contemporains sur lesquels il pose un regard tendre et pointu mais sans jugement. Il fait construire des écoles, des centres médicaux, des bibliothèques, met en avant les conditions catastrophiques des détenus en Sibérie. Dans son avant-dernière demeure, à Melikhovo, il est également jardinier, plante un verger de cerisiers et fait construire une petite maison pour s’isoler et écrire. Il l’appelle sa maison de poupées. A Yalta, sa demeure blanche, il écrit la Cerisaie, sa dernière pièce achevée. Il meurt emporté par la tuberculose, 6 mois après la création sur scène et les premiers succès de la Cerisaie.
Quelle est la genèse du projet ? le premier confinement imposé en France du 17 mars au 11 mai 2020 rend plus pressant le besoin de raconter des histoires. Anne-Pascale Patris constitue alors une équipe et enregistre avec elle un extrait audio du début de l’acte 1 de la Cerisaie. Des poupées mannequins aux visages repeints sont placées sur le plateau du lieu de création de la compagnie théâtrale Les Vies Denses, dont Anne-Pascale Patris est directrice artistique. Avec le soutien de jeux de lumières et d’un appareil photo, une vidéo est montée sur laquelle est alors ajoutée la bande son. Cette dernière est l’âme du récit : portée par les voix des comédiens et soutenue par une bande musicale, elle constitue le point de départ de l’aventure. Portes qui grincent, parquet qui craque, course dans les escaliers, aboiements de chiens, vaisselle qui casse ou bien cuillères s’agitant dans des tasses à café de porcelaine fine, sont autant de bruits réels qui viennent apporter la vie entre les murs de la Cerisaie.
La vidéo est diffusée, notamment sur les réseaux sociaux. A la fin du premier confinement, Anne-Pascale Patris décide de monter la Cerisaie en repoussant plus loin les limites de l’exercice. Plus de 6 400 heures de travail lui ont été nécessaires pour créer les décors, les figurines et leurs costumes. Lors du second confinement, l’extrait de la Cerisaie est repéré par les organisateurs du festival des Arts Confinés.
Les visages des figurines, hautes de 28 cm, sont repeints. Leur échelle au 1/6e autorise une diversité de décors qu’une pièce de théâtre traditionnelle ne permettrait pas. Jouant avec les ombres, la lumière éclaire les visages par le biais de lampes miniatures à l’échelle des figurines. Les lampes sont renforcées par des projecteurs traditionnels de théâtre. Enfin, en soutien, de petites lampes à LED sculptent plus précisément ce qui nécessite de l’être.
Une attention particulière a été portée sur les détails, que ce soit dans l’architecture des pièces comme dans les accessoires. De la dentelle ancienne constitue les voilages, les nappes, les draps (photo de gauche ci-dessous). Une collection de mobilier miniature en chêne meuble la Cerisaie. Jeux de carte, boissons, tasses à café, sacs de pommes de terre, casseroles en cuivre (photo de droite ci-dessous), pour ne citer que quelques exemples, sont disposés autour des personnages.
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Anton Tchekhov nous parle à travers la Cerisaie de la fin d’un système et laisse entrevoir le début d’un autre. Cela fait forcément écho à ce que nous traversons aujourd’hui en matière de contraintes sanitaires, d’autant que l’actualité en Ukraine a rattrapé le récit. Tchekhov a transmis l’immortalité à sa pièce. En ayant eu le douloureux génie d’abattre les arbres majestueux de la Cerisaie, il a éveillé en nous la nécessité de les relever. Par sa sa poésie, il nous guide vers le besoin d’agir et de réagir. C’est ainsi qu’est née notre Cerisaie, dans la nécessité de réagir.
