Kaye Wiggs
Les poupées de l’artiste australienne Kaye Wiggs, sculptures aux yeux de biche à forme humaine ou féérique, savent se faire aimer des collectionneurs. Caractérisées par leur regard d’enfant abandonné et leur petite bouche aux lèvres épaisses, elles déclenchent immédiatement les émotions et les sourires, ainsi qu’un irrépressible besoin de les protéger (photos ci-dessous).
© Dolls magazine
Née à Quirindi en Nouvelle-Galles du Sud (Australie) dans une famille modeste, Kaye Wiggs est élevée dans une ferme au sein d’une fratrie de six enfants. Elle aime la vie à la campagne, qui lui manque lorsqu’à l’âge de 14 ans elle se retrouve en ville où sa famille s’installe. Elle fréquente l’école privée catholique avec ses deux sœurs et ses trois frères. Bonne élève dans les matières scientifiques, elle conservera cet intérêt pour la science et en particulier l’astronomie. Avec son télescope, elle observe le ciel nocturne et “ressent de l’admiration devant la beauté et la vaste étendue de l’univers”. Outre l’astronomie, ses hobbies incluent les bonsaïs et la photographie. Elle collectionne par ailleurs les bouteilles de parfum vintage et la dentelle ancienne. Elle se marie à l’âge de 32 ans et a deux enfants, une fille et un garçon. Avec son mari pilote, ils déménagent souvent et finissent par s’installer à la campagne près de Tamworth.
Kaye ne reçoit pas d’éducation artistique formelle, mais son tempérament bricoleur et manuel en font une autodidacte accomplie, pratiquant le dessin, la peinture, la photographie, la sculpture, la couture et le tricot, activités qui lui serviront toutes dans l’exercice de son métier d’artiste en poupées. Depuis toujours les poupées la fascinent : enfant, elle en fabrique à partir de pinces à linge, puis plus tard elle réalise des poupées et des clowns en tissu pour sa fille. Avant d’entamer sa carrière d’artiste en poupées qui dure maintenant depuis plus de 30 ans, Kaye exerce divers métiers : infirmière dentaire, vendeuse, standardiste et bijoutière.
Elle se lance ensuite dans la création de poupées en céramique. Son mari lui achète un four et ses premières pièces en terre crue. “Je n’avais aucune idée de comment peindre ou cuire les poupées”, confie-t-elle, “aussi ai-je acheté des livres pour me former. J’ai sculpté ma première poupée en argile à porcelaine en 1989, puis j’ai fabriqué un moule dans lequel j’ai coulé de la porcelaine. Cette poupée a remporté un premier prix dans un salon à Canberra”. Elle travaille alors pour la compagnie australienne JR’s World of Porcelain qui fabrique ses moules et les commercialise en Australie et aux États-Unis sous le nom “Dolls from down under” (les poupées des antipodes) ; le premier moule est celui d’une poupée représentant un petit garçon, appelé Scallywag. Puis elle conçoit des poupées pour l’entreprise américaine WenBar Molds, qui les distribue pour le réseau de téléachat HSN (Home Shopping Network).
Frappée par la maladie (syndrome du côlon irritable et fibromyalgie), Kaye arrête la production de poupées pendant plusieurs années et se soigne en partie grâce à l’aide de thérapies naturelles. En 2003, elle découvre les BJD dans un magazine et expérimente pendant deux ans en autodidacte la fabrication de moules en silicone pour le coulage de la résine. Elle sculpte sa première BJD, Matilda, et la vend en édition limitée de 20 poupées à forme humaine et 20 elfes, qu’elle coule, ponce et peint à la main. Puis elle réalise d’autres têtes adaptées au corps de Matilda et les commercialise en éditions limitées de 20 exemplaires. Ses premières poupées en résine sortent en 2004, jusqu’à ce qu’elle se découvre une allergie à ce matériau. Elle décide alors de ne faire que les têtes : Poppy, Holly, Lucy, Pepper, Pip et Nettle voient le jour et sont vendues en éditions limitées. Elle sculpte encore une autre poupée de taille MSD (Mini Super Dollfie) appelée Annabella, dont elle vend quelques têtes. Très affectée par l’allergie, elle est sur le point d’abandonner lorsqu’elle rencontre Grace Szczepaniec de JpopDolls, qui lui propose de faire fabriquer ses poupées en usine et de les distribuer. C’est le début d’un long partenariat et d’une belle amitié. De nombreuses poupées naissent de cette collaboration : des éditions limitées de 50 exemplaires chacune de BJD Annabella à forme humaine et elfes ; Talyssa, Layla, Mikki, Nyssa, Nelly, Maurice,…
Côté technique, un stabilisateur d’UV est ajouté à la résine, pour protéger les poupées du jaunissement. Leur taille s’étend de 28 à 61 cm. La sculpture est effectuée en Sculpey, matériau largement disponible dont Kaye apprécie la douceur. Les yeux sont en verre et les perruques généralement confectionnées par JpopDolls, parfois par l’entreprise Monique Trading ou par Kaye elle-même, en laine d’agneau tibétain. Les poupées en précommande sont nues, et l’artiste propose des poupées peintes à la main et entièrement habillées de vêtements faits de tissus vintage et de dentelle ancienne, ou de tissus modernes comme le coton et la soie. Selon ses propres termes, son espace de travail est sa maison toute entière : “emballage dans le garage, peinture dans la cuisine et la salle à manger, couture dans une chambre,… tout ça dans le plus grand désordre !”
Kaye aime travailler avec la résine : “la résine est moins contraignante que la porcelaine”, explique-t-elle, “j’aime fabriquer des poupées en différents tons de chair. J’aime les BJD en résine parce que je peux les personnaliser. C’est comme si je retournais en enfance pour jouer avec mes poupées !” et elle ajoute, avouant ne pas savoir analyser son inspiration : “pour être honnête, je ne sais vraiment pas comment je crée mes poupées. Elles semblent juste surgir du morceau d’argile. Je crois que c’est une chose que toute personne douée d’un minimum de créativité peut atteindre en y travaillant. Si je peux le faire, tout le monde peut le faire ! quand j’essayais de réaliser des objets en pâte à modeler Play-Doh pour mes enfants, je n’arrivais même pas à créer des formes simples ! c’est une évolution.”
Kaye est elle-même collectionneuse, de poupées Sindy et de BJD en particulier. Une de ses poupées préférées est sa Dollish U-Da. Elle avoue posséder “au moins une poupée de la plupart des artistes contemporains” et se sent très concernée par le problème de la contrefaçon des BJD. Elle est engagée au côté de plusieurs associations caritatives, comme Asian Aid et Three Angels Nepal, qui visent à sauver les enfants de la prostitution et de l’esclavage. En 2011, la vente en commande permanente de ses poupées Hope permet de récolter près de 100 000 $, qui servent à la fourniture d’un système de purification d’eau.
Kaye a reçu de nombreux prix au cours de sa carrière, dont le “Lifetime Achievement Award” de la société d’édition Jones Publishing, récompensant l’ensemble de son œuvre. Un timbre postal australien à l’effigie d’une de ses poupées sort en 1997. Voici comment elle envisage l’avenir : “j’ai plein d’idées pour mes poupées, mais je ne les réaliserai probablement pas toutes ! je suis frustrée de ne pas aller aussi vite que je le voudrais. Je travaille souvent sur plusieurs poupées à la fois, ce qui fait que je me disperse. J’ai continué quelque temps à proposer mes poupées via JpopDolls, mais je vieillis et j’ai quelques problèmes de santé, ce qui m’a conduit à une semi-retraite au cours de laquelle je produis des éditions très limitées et des OOAK.”
“Fabriquer des poupées constitue une grande partie de ma vie depuis si longtemps”, déclare Kaye, “et j’aime toujours le faire. Je ressens toujours de l’excitation lorsque je commence une nouvelle poupée et que je l’habille et la photographie. Je suis aussi très impatiente de montrer le résultat de mon travail aux collectionneurs, ce qui n’est pas toujours une bonne chose, car ils doivent alors attendre longtemps avant que la poupée soit disponible à la vente.” Et elle conclut : “j’ai connu des hauts et bas pendant ces 30 années de carrière d’artiste en poupées, mais j’en ai aimé chaque minute !”
© MaryDoll © JpopDolls
Sources de la page
- Article Kaye Wiggs : 3 decades of dollmaking de Joyce Greenholdt, sur le site du magazine Dolls
- Article Kaye Wiggs : uplifting dolls from down under, sur le site du magazine Dolls
- Article Kaye Wiggs : in her own words de Kaye Wiggs et Grace Szczepaniec, sur le site du magazine Dolls
- Fiche Kaye Wiggs sur le site “Par amour des poupées”
